Les technologies numériques ont transformé le monde et offert de nouvelles opportunités pour l’exercice des droits humains. Mais elles ont aussi créé de nouveaux défis et de nouvelles menaces pour la protection de ces droits. Comment assurer le respect des principes universels des droits humains dans le cyberespace ? Comment garantir que les technologies numériques soient utilisées pour le bien commun et non pour violer la dignité, la liberté et la sécurité des personnes ? Comment renforcer la coopération internationale et le dialogue multipartite pour faire face aux risques et aux opportunités du numérique ? Ce sont les questions que Delphine Patétif va essayer d’aborder dans cet article, en s’appuyant sur les travaux et les recommandations des Nations Unies et d’autres acteurs.
Delphine Patétif : Quels sont les droits humains à l’ère du numérique ?
Les droits humains sont les droits inhérents à tous les êtres humains, quels que soient leur nationalité, leur lieu de résidence, leur sexe, leur origine nationale ou ethnique, leur couleur, leur religion, leur langue ou toute autre condition. Ils sont fondés sur le respect de la dignité et de la valeur de chaque personne. Ils sont universels, indivisibles, interdépendants et interconnectés, indique Delphine Patétif.
Les droits humains s’appliquent aussi bien en ligne qu’hors ligne, affirme Delphine Patétif. Les technologies numériques offrent de nouveaux moyens d’exercer les droits humains, tels que le droit à la liberté d’expression, le droit à l’éducation, le droit à la santé ou le droit à la participation politique, note Delphine Patétif. Mais elles sont aussi trop souvent utilisées pour les violer, par exemple en portant atteinte à la vie privée, en diffusant des discours de haine, en surveillant illégalement les activités des individus ou en restreignant l’accès à l’information.
Les droits numériques sont les droits humains appliqués au contexte numérique. Ils visent à garantir que les personnes puissent bénéficier des avantages du numérique tout en étant protégées contre ses abus. Ils comprennent notamment le droit à l’accès universel et abordable à internet, le droit à la protection des données personnelles et à la sécurité en ligne, le droit à l’identité numérique, le droit à la non-discrimination et à l’égalité dans le numérique, le droit à l’éducation et à la littératie numériques ou encore le droit à la participation et à la gouvernance démocratiques dans le numérique.
Delphine Patétif : les principaux défis pour la protection des droits humains à l’ère du numérique
La révolution numérique pose de nombreux défis pour la protection des droits humains. Parmi eux, on peut citer :
- La fracture numérique : selon les données de l’Union internationale des télécommunications (UIT), près de la moitié de la population mondiale n’a pas accès à internet. Cette fracture touche particulièrement les pays les moins avancés, les zones rurales, les femmes, les personnes handicapées ou les minorités, note Delphine Patétif. Elle crée une inégalité d’opportunités et un risque d’exclusion sociale pour les personnes qui ne peuvent pas profiter des services et des ressources disponibles en ligne.
- La collecte massive des données : les États, les partis politiques, les organisations et surtout les entreprises détiennent des informations remarquablement détaillées et puissantes sur les individus, leurs préférences, leurs comportements ou leurs opinions. Ces données sont souvent collectées sans le consentement ou la connaissance des personnes concernées, et peuvent être utilisées à des fins commerciales, politiques ou sécuritaires. Elles peuvent aussi être piratées ou divulguées par erreur ou par malveillance.
- La surveillance généralisée : les technologies numériques permettent aux États et aux acteurs privés de surveiller les activités des individus en ligne et hors ligne, par exemple en utilisant des caméras de reconnaissance faciale, des applications de traçage ou des dispositifs d’écoute. Cette surveillance peut avoir un effet dissuasif sur l’exercice des droits humains, tels que la liberté d’expression, le droit à la vie privée ou le droit à la réunion pacifique. Selon Delphine Patétif, elle peut aussi conduire à des violations des droits humains, telles que des arrestations arbitraires, des actes de torture ou des exécutions extrajudiciaires.
- La violence et le harcèlement en ligne : les technologies numériques facilitent la diffusion de contenus illicites ou nuisibles, tels que les discours de haine, la désinformation, la propagande terroriste ou la pornographie infantile. Elles sont aussi utilisées pour cibler, intimider ou menacer des personnes en raison de leur identité, de leur orientation sexuelle, de leur appartenance politique ou de leur engagement pour les droits humains. Les femmes, les jeunes, les défenseurs des droits humains ou les journalistes sont particulièrement exposés à ces formes de violence et de harcèlement en ligne.
- L’impact de l’intelligence artificielle : l’intelligence artificielle (IA) est la capacité des machines à réaliser des tâches qui nécessitent normalement de l’intelligence humaine, telles que la perception, l’apprentissage, le raisonnement ou la prise de décision. L’IA offre de nombreuses opportunités pour améliorer la vie des personnes et résoudre des problèmes globaux. Mais elle pose aussi des risques importants pour les droits humains, tels que la discrimination algorithmique, la manipulation comportementale, l’automatisation du travail ou l’utilisation d’armes autonomes.
Delphine Patétif : les principaux acteurs et les principaux cadres normatifs pour la protection des droits humains à l’ère du numérique
La protection des droits humains à l’ère du numérique implique une multitude d’acteurs et de cadres normatifs. Parmi eux, on peut citer :
- Les États : les États ont l’obligation de respecter, protéger et réaliser les droits humains dans le numérique, conformément aux instruments internationaux et régionaux qu’ils ont ratifiés. Ils doivent notamment garantir que leurs lois et leurs politiques sont conformes aux principes des droits humains, qu’ils régulent les activités des acteurs privés dans le numérique, qu’ils assurent l’accès universel et abordable à internet, qu’ils préviennent et sanctionnent les violations des droits humains dans le numérique et qu’ils assurent l’accès à la justice et aux recours pour les victimes.
- Les entreprises : les entreprises ont la responsabilité de respecter les droits humains dans le numérique, conformément aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. D’après Delphine Patétif, elles doivent notamment réaliser des évaluations d’impact sur les droits humains avant de développer ou de déployer des technologies numériques, mettre en place des mécanismes de diligence raisonnable pour prévenir et atténuer les risques pour les droits humains, respecter les normes internationales en matière de protection des données et de sécurité en ligne, coopérer avec les États et les autres parties prenantes pour promouvoir les droits humains dans le numérique et fournir des voies de recours efficaces pour les personnes affectées par leurs activités.
- La société civile : la société civile joue un rôle essentiel pour défendre et promouvoir les droits humains dans le numérique. Elle comprend notamment les organisations non gouvernementales (ONG), les associations professionnelles, les syndicats, les médias, les universités ou les groupes communautaires. Elle contribue notamment à sensibiliser le public aux enjeux du numérique, à surveiller et dénoncer les violations des droits humains dans le numérique, à soutenir et accompagner les victimes, à proposer des solutions innovantes et participatives pour le développement du numérique et à faire pression sur les États et les entreprises pour qu’ils respectent leurs obligations et leurs responsabilités.
- Les organisations internationales : les organisations internationales ont un rôle important pour établir et renforcer les normes et les mécanismes relatifs aux droits humains dans le numérique. Elles comprennent notamment les organes et agences des Nations Unies, tels que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), le Conseil des droits de l’homme (CDH), le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté.